CREER, UNE ANNEE POUR S'INITIER

Avril : on s’initie à la reliure

Depuis quelques temps, je peine à vous trouver de nouvelles discipline à vous présenter mensuellement pour ma série de posts “Une année pour s’initier” … Heureusement, le web et notamment Instagram sont une source infinie d’idées et dernièrement je suis tombée sur le travail manuel d’une canadienne francophone. Je suis de celles qui aiment les livres, les nouveaux comme les anciens. J’aime les carnets, le papier et la papeterie alors quand j’ai découvert  le site de Delphine, j’ai eu envie de vous en dire plus sur ce qu’est la reliure…

1. Qu’est-ce que la reliure et comment êtes-vous venue à cette discipline créative ? 

La reliure, c’est un métier d’art, et c’est l’art de lier les papiers entre eux, finalement. Dans cette discipline, il y a beaucoup de métiers différents, selon le type de reliure que l’on pratique. Le relieur ou relieuse d’art réalise des reliures uniques, pour des bibliophiles notamment, et sur des livres rares, à tirage très limité. Ces reliures sont souvent en cuir, et leur qualité d’exécution est parfaite, avec un décor très riche. Cela nécessite des compétences techniques très pointues, acquises par des années d’apprentissage et une profonde démarche artistique C’est évidemment une discipline niche, mais fascinante.

On peut aussi développer une activité de reliure plus « courante ». Cela reste fait à la main et d’une grande qualité, mais cela devient plus abordable pour les clients : des livres d’or pour un mariage, une belle reliure en cuir de son livre préféré à offrir à un être cher, la remise en état du livre de cuisine familial, une gamme de papeterie, tout est possible !

Enfin, il y a tout l’aspect « cartonnage », c’est-à-dire la confection d’objets en carton : des boites sur-mesure, des range-revues, des pochettes de présentation, des classeurs pour des particuliers mais aussi pour des entreprises qui ont des projets en toute petite série ou veulent des prototypes.

J’y suis arrivée un peu par hasard : je venais d’immigrer au Québec, et j’ai croisé la route d’Odette Drapeau, une grande relieuse québécoise qui a beaucoup exposé en France. Je venais de terminer un contrat en communication et je ne savais pas trop comment m’orienter professionnellement ici. J’ai commencé à prendre des cours chez elle de reliure et de restauration de livres et, alors que je n’avais jamais su faire grand-chose de mes 10 doigts, j’ai continué ! J’ai été son apprentie, je suis retournée à l’école (c’est assez facile ici) pour avoir un diplôme en conservation d’œuvres d’art qui complète bien mon activité. Après avoir travaillé pendant plusieurs années en atelier et en institutions muséales, j’ai ouvert mon propre atelier fin 2017, il y a un peu plus d’un an. Et Odette est toujours mon mentor !

2. De quel matériel a-t-on besoin, d’espace ? vous pouvez citer vos bonnes adresses si vous le souhaitez – Est-ce possible de s’y initier seule et si oui, comment ?

Les matériaux de base sont le papier, le carton, la colle et potentiellement le cuir. Selon le type de reliure qu’on souhaite faire, il peut falloir beaucoup de matériel !

L’équipement de base du relieur comporte au moins une cisaille à carton, une grande table haute (on travaille debout !), une presse (au moins une petite, mais parfois une énorme presse à percussion en fonte), un étau, voire une machine qui permet de marquer les titres à chaud. Et il y a une multitude de petits outils : le compas à pointe sèche, le plioir, le cutter, la règle métallique, les petits ciseaux, les grands ciseaux, le bistouri, le « singe » (morceau de crêpe qui aide à nettoyer la colle sèche), des pinceaux de toutes les tailles, de la colle plastique, d’amidon, etc. Les relieurs sont connus pour être des collectionneurs inlassables d’outils improbables et fascinants !
Mais pas de panique, c’est surtout vrai pour les professionnels et les amateurs très avancés, qui doivent être capables de pratiquer plein de types de reliures différents.

Si on souhaite débuter et le faire en loisir, il y a moyen de se débrouiller avec quelques outils simples et avec les moyens du bord : des vieilles étagères Ikea en mélamine et des serre-joints peuvent constituer une presse très efficace ! Au Québec, on a parfois du mal à trouver des matériaux et outils à prix raisonnable (on dépend beaucoup des US et de la France), alors on apprend à être débrouillard. Le seul point que je trouve compliqué sans équipement, c’est couper le carton. À la main, la coupe est rarement nickel et d’équerre.

De très nombreux tutoriaux existent sur YouTube. J’enseigne dans un centre de loisirs et je constate que beaucoup de mes élèves adorent y passer des heures et se débrouillent bien. Mais je dois dire qu’ils sont vite frustrés car parfois, ils n’arrivent pas à résoudre certains problèmes techniques et apprécient d’avoir les conseils d’une pro : rien ne remplace l’expérience. Pour apprendre quelques techniques très simples et sans équipement (à part quelques outils), le livre de Rachel Hazell, Bound, est très joli. Pour un niveau plus avancé, les tutoriaux de Benjamin Elbel sont très aboutis. https://bookbindingoutofthebox.com/

Si vous souhaitez vous lancer, n’hésitez pas à prendre quelques cours de base pour pouvoir avancer efficacement : la France fourmille de petits ateliers un peu partout, notamment dans les petites villes, avec toute une génération de super artisan(e)s : n’hésitez pas, vous allez découvrir un monde merveilleux et infini !

3. Quelles sont les vertus de cette pratique manuelle et en quoi recommandez-vous de s’y initier en 2019 ?

Qui n’aime pas la papeterie et les livres ? Je plaisante, mais de toute évidence, on constate un retour vers les métiers d’artisanat. Avec la dématérialisation, les gens prennent beaucoup de plaisir à travailler de leurs mains pour créer des objets (lire à ce sujet Éloge du Carburateur, de Matthew B. Crawford, philosophe-mécanicien, avec un point de vue très éclairant) et se rendent compte de la valeur de ce qui est produit manuellement, localement. Fabriquer de ses mains ses propres carnets pour écrire ensuite dedans, réparer ses vieux livres de famille pour les offrir à ses grands-parents, c’est créer tant de valeur et de liens avec ses proches. La reliure apprend la minutie, la patience, l’exigence :  on coud, on plie, on coupe, on colle, on crée. Je ne dirais pas que c’est un loisir facile, c’est un champ d’expérimentation (et d’erreurs !) sans fin, mais par contre on progresse vite et ça se voit. Et ça, c’est tellement satisfaisant !

Pour découvrir le travail de Delphine :

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