ITW PARCOURS PRO : elle lance son concept-store de magazines indépendants
Sérendipité est un concept store en ligne pas comme les autres : vous n’y trouvez que des magazines. Attention il ne s’agit pas des habituels de nos kiosques français mais d’une fine sélection de titres internationaux indépendants et chacun experts dans leur domaine. Le type de magazine que la pub ne pollue pas et dont le contenu et dont le contenu vous ravira (si vous aimez lire en anglais notamment).
Le concept de Céline m’a tout de suite plu; elle propose des titres que je ne trouvais qu’outre-manche et je me plais à lui envoyer mes découvertes anglo-saxonnes sur le net. Il est rare que j’arrive à lui faire découvrir des nouveautés tellement sa connaissance de ce marché de l’édition indépendante est grande ! A défaut de la surprendre coup sur coup, je lui ai proposé une interview pour en connaître plus sur son histoire avec en fil conducteur les étapes de son parcours. Mettre l’humain au centre de l’histoire, de son histoire, m’intéresse finalement plus que son business seul. Voici donc l’histoire de Céline et de son concept en ligne : Sérendipité.
1. Quel est ton parcours ? Tes études ? Diplômes ?
Depuis que j’ai su lire, j’ai nourri le rêve de devenir bibliothécaire. J’ai donc suivi un début d’études pour cela, en suivant un DUT information-communication à Strasbourg (je suis normande à l’origine) après un bac littéraire avec spécialité latin (le truc qui ne sert plus à rien paraît-il pourtant je continue de m’y accrocher et d’aimer cela). Puis, j’ai vite compris que le calme qui régnait la plupart du temps dans ces lieux (les bibliothèques) et le manque de connectivité et de créativité (qui ont bien changé depuis) ne me permettrait pas de m’épanouir rapidement. La plupart des jobs étaient sur concours et non pas au mérite, j’avais vraiment du mal avec ce mode de recrutement totalement obsolète et inefficace selon moi. Alors j’ai ré-orienté ma spécialité via un stage en 2e année sur le conseil d’un prof (devenu ami), qui m’a naturellement conduite à mon premier job dans la veille, l’information stratégique, le renseignement. Vachement plus excitant !
Toutefois, j’étais à mon goût “un peu short” côté diplôme avec mon seul DUT en poche, alors tout en travaillant, j’ai accompli une première maîtrise (l’ancêtre du master) dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication, enseignement qui était dispensé à distance depuis la Faculté des Sciences de Limoges (la première en France à se lancer), puis j’ai enchaîné sur une seconde maîtrise dans mon domaine de prédilection qu’était la veille technologique depuis la Faculté des Sciences de Marseille cette fois, alors que moi, j’étais toujours basée dans l’Est de la France, en continuant ma carrière. Tous mes week-ends, mes vacances et mon budget loisirs y sont à l’époque passés.
Cela m’a pris environ 4 ans, puis pour des raisons familiales et personnelles, un gros deuil notamment, j’ai voulu voir autre chose et c’est comme ça que je me suis retrouvée un peu par hasard en Suisse, après qu’on m’ait dit “si un jour tu cherches du boulot, envoie nous ton CV”. Bingo! J’ai donc travaillé tout d’abord à Genève dans un cabinet d’investigation qui menait des enquêtes internationales sur des entreprises et des hommes d’affaires. C’est vraiment une passion chez moi, mais ça demande beaucoup d’engagement et comme je suis passionnée et entière, ça devenait parfaitement incompatible avec toute forme de vie sociale ou familiale. J’ai donc calmé un peu le rythme et j’ai par la suite travaillé à l’Université de Lausanne puis toujours dans l’académique, comme “chercheuse de tendances” à la prestigieuse l’Ecole Hôtelière de Lausanne. C’est une école internationale bilingue, l’une des (la?) meilleures au monde, une expérience fantastique une fois encore. Puis un jour, ça s’est arrêté…
2.Pourquoi avoir lancé ta propre entreprise ? Comment t’est venue l’idée de ton concept et quel est il précisément ?
Tout a commencé avec mon licenciement (au motif économique) qui a été un choc et dont j’estime ne toujours pas être totalement remise. Je l’ai dit, mon travail, c’est ma vie (les choses sont en train de changer puisque j’attends mon premier enfant qui devrait arriver dans quelques semaines), j’ai toujours été impliquée plus que de raison et passionnée. Je n’avais jamais rencontré de problème à trouver du travail et les choses ayant été très brutales sur la forme, j’a eu l’impression de ne plus “servir à rien”, d’être “bonne à rien” incompétente et inutile. Malheureusement, ma confrontation avec le chômage et ses interlocuteurs n’a vraiment pas redressé la barre, bien au contraire.
Après maintes tentatives pour “sauver les meubles” et retrouver rapidement dans la branche et au niveau de responsabilités auxquelles je prétendais, j’ai vite réalisé que cela serait plus difficile que prévu. Rien ne venait. Je suis devenue spécialiste de la fameuse “deuxième place” après des mois de processus de recrutement (parfois j’aurais préféré un “non” immédiat et catégorique), parfois 3 processus engagés en même temps, ça devenait difficile à gérer mentalement.
Je ne m’en sortais pas, puis pour ma santé mentale, j’ai décidé de lâcher un peu prise et de prendre de la distance. C’est comme ça que “pour le fun” j’ai décidé d’ouvrir une petite librairie en ligne appelée sérendipité.ch. Parce que mon conjoint me rapportait des lectures lors de ses business trips en Californie, des choses qu’on ne trouvait pas en Europe. C’était beau, différent, hyper inspirant et créatif. Exactement ce dont j’avais besoin pour me changer les idées. J’ai donc décidé de creuser la chose et sur mon temps libre, j’ai entrepris quelques voyages en Suède, en Hollande et ailleurs dans le monde pour aller visiter ces quelques librairies qui commençaient à fleurir ici et là et qui proposaient ce genre de lectures nouvelles, c’était en 2012.
On les appelle les bookzines, mooks, quarterly magazines, je trouve assez moches ces noms. Ce sont des objets à la croisée des livres et des magazines. Trop beaux pour être jetés après avoir été lus on les collectionne avec amour, souvent thématiques, très graphiques, épurés, des photos à couper le souffle, des longs textes et qui paraissent seulement quelques fois par an.
Alors je me suis lancée avec 3 titres au début (deux français Slø et Toc Toc Toc et un américain Anthology Magazine), juste pour rire. Et je suis partie en tête de ré-investir chaque petit profit pour faire grossir mon stock, ce qui m’a amené 3 ans plus tard à gérer plus de 180 titres de presse internationale, de tous les pays, de toutes les langues, seule et le plus souvent en direct (c’est à dire le plus possible sans passer par des relais tels que les distributeurs que je n’apprécie qu’à toute petite dose car je fais le constat qu’il s’agit trop souvent d’entreprises qui font de la logistique au détriment de la qualité et des clients).
Après la librairie en ligne qui est ouverte depuis janvier 2013 (qui en est aujourd’hui à sa 3e version web et compte environ 600 références produits) et via laquelle je reçois des commandes du monde entier, j’ai également ouvert en 2015 une petite boutique physique pour compléter l’assortiment d’une épicerie fine et locale que je co-gérais avec une amie et d’un coin dédié aux créateurs locaux, que je renouvelais chaque saison.
Je dois reconnaître que cela a beaucoup ajouté à ma charge de travail , de stress et à mon organisation car j’ai continué à gérer tout toute seule (j’avais une vendeuse du samedi quelques fois par mois et c’est tout), donc avec l’arrivée prochaine de bébé, j’ai décidé de faire un pas en arrière, en fermant la boutique physique.
3. En quoi l’entreprenariat te correspond-il plus que le salariat et comment ta vie « d’avant » te sert-elle aujourd’hui ?
J’ai vraiment l’impression que j’ai toujours gravité dans des petites ou moyennes structures, c’est quelque chose que je préfère à la lenteur des grosses structures ou les process sont rois. J’aime la notion d’ “intrapreneur” (l’entrepreneur qui sévit pour le compte d’un autre patron dans une entreprise sous le modèle du salariat) et sans le savoir c’est vraisemblablement comme cela que j’ai fonctionné de nombreuses années.
Je suis très indépendance et autonome de caractère, j’aime que les choses aillent vite sans passer par de longs processus de décision. J’ai besoin de piment et de nouveautés chaque jour, c’est pourquoi le modèle entrepreneurial me plaît, car je peux continuellement tester de nouvelles idées, les mettre facilement en oeuvre, revenir en arrière si besoin et adapter continuellement sans attendre derrière une équipe ou une direction. Mais cela a un coût financier et sur le rythme de vie. C’est aussi parfois épuisant de tout décider, jusqu’à la couleur des stylos et cela ne fait que renforcer un caractère déjà fort sans remise en question, c’est donc très dangereux car il ne faut pas s’engouffrer dans le “j’ai toujours raison, mon idée est la meilleure”. Et puis seule, on va plus vite, mais on va moins loin…
Avant d’être dégoutée par ma recherche d’emploi “traditionnelle” après m’être retrouvée au chômage, jamais l’idée de monter ma boîte ne m’était venue car je pense ne pas avoir assez confiance en moi et parce que j’aime l’idée de bosser pour quelqu’un que je respecte et qui m’apprend les choses. Et puis, je n’ai jamais eu le temps de cogiter cela. Ca a été le cas de nombreuses années et je n’ai jamais eu à m’en plaindre. J’ai adoré mes métiers, je pourrais les reprendre illicos, chez moi rien n’est figé ou définitif, je ne nourris pas le sentiment de rancoeur non plus, donc je prends les choses comme elles viennent.
Je crois que ce modèle de monter une toute petite structure à moi seule et sans gros investissements financiers a été la réponse que j’ai trouvée pour m’en sortir, une sorte de bouée de sauvetage à un moment où rien ne semblait fonctionner, puisque toutes les autres tentatives se sont à l’époque soldées par des échecs. C’était une manière de changer l’image négative que j’ai eu de moi-même pendant cette période, d’apprendre une multitude de nouvelles choses (business plan, comptabilité, gestion du stock, marketing digital…) et de rencontrer de nouvelles personnes bienveillantes et inspirantes.
Aujourd’hui, je revois un peu mon modèle. J’aimerais pouvoir continuer sans trop grossir car cela implique des charges et je ne suis pas sure que l’activité puisse financièrement le supporter car le marché reste très petit et très instable. Je privilégie désormais de passer du temps avec ma famille, pourquoi pas trouver quelque chose d’autre complémentaire à temps partiel (salariée ou non) pour payer les factures.
4. Ton dernier mot ?
Je suis convaincue que nous sommes en phase de transition. Il y a plusieurs années, je me souviens avoir vu un reportage sur des américains qui par nécessité avaient deux parfois trois jobs. J’aimerais la même chose mais avec moins de contraintes et plus de flexibilité. Et les robots alors, vont-ils vraiment prendre nos jobs ;-).
Chez nous – en Suisse – le home-office (ou télétravail) progresse de jour en jour, les choses se structurent, les espaces de coworking fleurissent un peu partout en ville et en campagne, l’administration publie des offres d’emploi partagé, autorisant plusieurs personnes sur un même poste, de manière à pouvoir le faire en temps partiel. FLE-XI-BI-LI-TE. Nous avons les outils et l’intelligence pour le faire, il ne reste plus qu’à faire confiance et trouver les réponses juridiques pour encadrer ces nouvelles formes de travail. Je regrette qu’en France, les choses mettent plus de temps à se démocratiser, on ne fait pas assez confiance. Je suis pourtant convaincue qu’on travaille aussi bien voir mieux depuis la maison un/quelques jours par semaine si le contexte est favorable et accepté (bien sur, ce n’est pas fait pour garder les enfants en même temps, ou faire sa lessive). Mais pour avoir testé avec mon conjoint, dans un bon environnement et si le job s’y prête, c’est très productif. Rien ne m’exaspère plus que les contraintes horaires des pendulaires et les routes/trains surchargés parce que Monsieur Patron a décidé que tout le monde devait arriver à 8.30 au travail et que la garderie ferme ses portes à 18.30.
Peu importe qu’on soit salarié ou entrepreneur, pour moi ce qui est essentiel, c’est de prendre conscience que son modèle n’est pas le seul et unique qui existe, qu’on peut trouver des solutions hybrides. Oui c’est difficile, non ce n’est pas gagné, oui il va falloir convaincre, mais je crois qu’il n’y a plus rien de noir ou blanc. Très rares sont mes amis à ne pas avoir changé de métier ou de structures (j’en connais seulement deux pour ce dernier cas) et j’ai bien souvent toutes les peines du monde à discuter avec eux car je trouve leur esprit un peu étroit. Ils n’ont vu qu’on modèle, qu’un environnement. La richesse est dans la diversité.
Je me rends compte aussi combien le modèle salariat coûte cher à l’entreprise et ça, le salarié non seulement ne s’en rend pas souvent compte, mais en plus continue à se plaindre ! Voilà quelque chose qui n’a pas lieu d’être à mon avis. On entend plus rarement les entrepreneurs se plaindre… Les situations sont très différentes d’un employeur à l’autre et les abus existent, mais une fois encore, en étant conscient, on peut voir les choses différemment et oser les remettre en question.
Courage, remontons nos manches et rappelons-nous que les choses ne sont pas là par hasard et qu’il est toujours possible de les changer si elles ne conviennent plus !
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