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MIEUX SE CONNAITRE : LE ROLE DES MAMIES

Cela fait des années que j’ai envie d’écrire sur le sujet. Je voudrais même écrire une thèse pour prouver par a+b que ce que je m’apprête à vous dire se vérifie scientifiquement. Mais à quoi bon, puisque l’intuition est là et que les cas se sont répétés autour de moi tellement de fois, que je sais cette vérité vraie.

Nous fêterons bientôt les grands-mères et je crois que la mienne ne m’a jamais autant manqué qu’en ce moment. Le temps est étrange. Vous vivez des années non loin d’elle, sans la voir, parce que la maladie a eu raison d’elle et qu’à quoi bon aller passer un bout de temps dans ce lieu de vie sans vie puisqu’elle ne sait plus qui vous êtes et qu’elle ne se souviendra pas de votre passage. Et puis, cette enveloppe qui lui sert de corps s’est tellement transformée que vous ne la reconnaissez plus. L’aspect physique est trompeur et vous fait peur. Un jour où j’arrivais dans sa chambre avec mon fils de quatre ans, ne pouvant faire autrement que l’amener avec moi ce jour là, il m’a demandé si le grand bébé faisait dodo sans son lit. Quelle sensation étrange de tenir dans ma main de maman celle d’un grand bébé et de contempler dans son lit celle qui m’avait tant guidée. J’étais là impuissante entre le temps et la maladie à me demander comment j’avais pu laisser passer ces années à ne plus lui rendre visite alors que son état s’empirait. J’ai renoué avec notre relation trop tard alors qu’elle perdait la parole. Quand elle l’avait encore, c’était la tête qu’elle perdait… Mais elle serrait encore ma main de ses doigts déformés et quand ses yeux revenaient au monde, j’avais avec elle un peu de bonheur pour quelques secondes. Je crois qu’elle n’avait en réalité jamais perdu son amour pour moi.

Je n’ai pas compris tout de suite. Comme souvent, on réalise après, on ne mesure la perte et l’absence qu’à posteriori. Cela fait trois ans qu’elle est partie et si le chagrin du deuil fût immédiat, ce n’est que depuis peu que sa présence me revient. En psychologie, on parle de “personnes ressources”, ce sont celles sur lesquelles vous pouvez compter, vous appuyer, vous ressourcer quand vous en avez besoin. J’ai perdu les deux personnes ressources de mon passé et je n’en prends conscience que maintenant. Si je sais ce qu’elle a fait et combien elle a fait pour moi, je réalise un peu brutalement ce que ma grand-mère était pour moi. Je lisais dans un livre sur la technique d’EMDR et la communication après la mort que si deux êtres sont séparés physiquement par l’acte et l’état de mort, notre relation avec l’être parti ne cesse pour autant pas d’exister. Elle se continue bien après son départ. Parce que oui, on ne peut pas juste arrêter une relation, on ne peut pas effacer son passé ni balayer les sentiments d’une vie entière. Ces souvenirs vécus à deux malgré vous, parce que petite vous n’aviez pas conscience que vous fabriquiez des images gravées à tout jamais, ces souvenirs continueront de vivre en vous et de renforcer le lien qui vous unit à jamais à la personne disparue.

J’ai mis du temps à comprendre que c’était elle que je voyais un peu partout. Le gens me croiraient folle si je leur racontais ce que j’ai vu ces derniers temps mais je sais qu’elle est là. Je sais désormais à quoi servent les grands-mères. Elles sont là pour vous apprendre à vivre un jour sans elles.

Je ne compte plus le nombre de fois où les entrepreneuses créatives que je rencontre ou que j’accompagne me racontent leur enfance. Leur passion pour la couture, le tricot, le dessin… elle est née aux côtés de leur grand-mère. Elles y passaient leurs mercredis, leurs vacances et à l’époque on occupait les enfants avec des activités manuelles. Pour ma part, ce fût le dessin. Cette envie de renouer avec ce vécu des mains lointain survient avec ou après la maternité. Elle est la base de cette volonté d’entreprendre créativement. Nos mains ont cette faculté magique de nous refaire vivre le passé au présent en perpétuant les gestes que d’autres femmes plus sages nous ont transmis. Parce que c’est bien là le secret de la connaissance de soi et de l’entrepreneuriat : la transmission est leur pilier commun. Elle est le fondement de ce que nous sommes. Sans transmission, il n’y a pas de continuité. Hors nous existons dans la durée. Se reconnecter avec nos racines, avec ces femmes, qui ne serons plus là quand nous atteindrons nous même l’âge de veiller sur nos petits-enfants, cela aide forcément   à mieux nous connaître : car elles ont enfoui en nous les graines des fruits qui germent aujourd’hui.

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