C’est un contact sur Instagram qui m’a parlé de ce concept : Une rose blanche. Un livre photos souvenirs pour se rappeler celui ou celle qui nous a quitté. Les photos et les mots ont se pouvoir de nous aider à garder en mémoire mais aussi à partager avec d’autres ce qu’on a vécu avec lui ou avec elle. J’ai contacté la fondatrice de ce concept pour en savoir davantage sur sa démarche. Comme un mini-challenge pour moi qui , avant, avait toujours des tonnes de motivation pour partir à la rencontre de ces aventurières de l’entrepreneuriat…. après avoir ouvert dix fois mon ordinateur, j’arrive enfin à publier ces précieuses réponses
1. Le deuil est sans grande surprise un moment douloureux pour amis et famille. Comment, confrontée à la souffrance de la perte d’un proche, est né votre concept “Une Rose Blanche” ?
En 2017, mon amie Anne-Sophie est décédée brutalement. Incompréhension, tristesse… et au delà de ma souffrance, je me suis sentie complètement démunie pour venir en aide à ceux qui étaient certainement plus dévastés que moi : ses parents, ses frères et sœurs, ses meilleurs amis.
Passées les étapes de recueillement lors de la cérémonie, de condoléances, de la cagnotte pour offrir des fleurs et du don collectif à une association… la vie a commencé à reprendre son cours. Mais l’absence était toujours pesante. Et moi, j’ai eu envie de prolonger le temps de mémoire.
Quelques mois après le décès, j’ai rendu visite à la famille de mon amie. Je les connaissais à peine et pourtant, nous avions un point commun : leur fille. En parlant d’elle autour d’un café, en regardant des photos, en racontant quelques anecdotes, j’ai eu le sentiment que nous la faisions revivre. Un peu gênée au début, j’ai réalisé que cela me faisait du bien, et que cela leur faisait du bien aussi. J’ai réalisé que leur parler de leur fille était le plus beau cadeau que je pouvais leur faire et ai pris conscience que ces souvenirs avaient une valeur immense pour eux. C’est ainsi que l’idée d’Une Rose Blanche a germé.
Une Rose Blanche permet désormais à des familles, groupes d’amis et collègues de rendre hommage à leur proche à travers la réalisation d’un livre dans lequel chacun peut partager ses souvenirs de moments partagés avec le défunt. La réalisation du livre aide poser ses pensées dans les semaines et mois qui suivent le décès. La lecture du livre rassure et réconforte dans les années : on peut continuer à vivre sans oublier les bons moments passés.
2. Comment décrirez-vous ce que votre expérience entrepreneuriale vous apporte depuis le lancement d’Une Rose Blanche ?
Avant d’entreprendre, j’étais consultante. Une de mes principales qualités était l’analyse et la synthèse. Quand j’ai décidé d’entreprendre, la première chose que j’ai dû faire c’est d’oser. Oser faire davantage confiance à mon instinct, à écouter ma petite voix intérieure.
Créer un projet qui part d’une expérience si personnelle et écrire un blog sur le thème du deuil impose aussi de dévoiler une part de soi. Alors j’ai aussi appris à oser parler de moi plus facilement, parler de mes convictions, de mes croyances mais aussi de mes doutes, sans peur du jugement des autres. Oser aussi prendre des décisions dans un contexte incertain.
Malheureusement, oser ne s’apprend pas… mais si on n’ose pas, alors il ne se passe rien. Quand on ose au contraire, on se rend compte de tout ce qu’on est capable de faire. Cela développe même un petit sentiment de fierté. Je dirais donc que mon expérience entrepreneuriale m’apporte de la confiance en moi et de la confiance dans mes décisions.
3. Il y a tant de choses à faire pour aider les personnes qui ont perdu un être cher. Quels conseils donneriez-vous à celles qui souhaitent lancer un concept autour du deuil qu’il soit adulte, enfant ou périnatal ?
Le deuil est un sujet qui touche ou touchera tout le monde à un moment de sa vie. Et malgré cette universalité, chaque personne qui fait face au décès d’un être cher vit son/ses deuil(s) différemment. Il y a beaucoup de choses à faire pour aider les personnes qui ont perdu un être cher… mais des initiatives qui sont réconfortantes pour certains peuvent être perçue comme maladroites ou inappropriés pour d’autres.
Le premier conseil que je donnerais est donc de rester à l’écoute d’autres personnes endeuillées. Avoir vécu un deuil ne signifie pas que l’on sait forcément ce que ressent une autre personne qui vit un deuil, ni ce dont elle a besoin. On peut faire des suppositions mais il serait risqué de penser par exemple que “parce que le sport vous a fait du bien après le décès de votre conjoint”, alors LA solution pour traverser le deuil est le sport. Votre concept pourra bien sûr s’appuyer sur le sport, mais vous devrez rester à l’écoute des personnes endeuillées pour construire avec elles votre concept.
Il y a un grand chemin à parcourir entre le moment où l’on trouve une manière d’apaiser le deuil d’une personne (ou son propre deuil) et en sortir un concept qui parlera à un plus grand nombre. Pour ma part, il s’est passé plus d’un an (et des dizaines de rencontres) entre la visite des parents de mon amie et la mise en place du site Une Rose Blanche sous la forme qu’il prend aujourd’hui. Cela signifie de savoir accepter que le projet évolue et diffère de l’idée initiale au gré des remarques (pertinentes ou non) des utilisateurs.
L’expérience personnelle et l’idée de base sont bien sûr essentielles pour démarrer. Puis, en les exposant autour d’elles, les porteuses de projet devront échanger et s’enrichir de l’expérience d’autres pour apporter des nuances, des idées nouvelles plutôt que de vouloir s’accrocher à tout prix à leur propre expérience.
Enfin, lorsqu’on entreprend autour du deuil, qu’il soit d’un adulte, d’un enfant ou périnatal, cela ne laisse pas l’entourage indifférent. Certains vont questionner, vous encourager, vous parler de leur propre expérience et vous donner des conseils. D’autres vont remettre en cause la démarche, la juger inappropriée ou carrément éviter ce sujet avec lequel ils sont peut-être eux-mêmes mal à l’aise. Si l’idée fait suite à un deuil personnel, vous recevrez aussi peut-être l’injonction de “passer à quelque chose de plus joyeux”. Il faudra alors respecter les remarques et les avis divergents sans se décourager. Ecouter les autres et surtout d’écouter soi-même.
4. Enfin, quels conseils donneriez-vous aux entrepreneuses qui comme moi vivent le deuil au jour le jour en 2020 ?
Entreprendre demande une grande énergie et une force intérieure. Les entrepreneures que je rencontre ont souvent un caractère de “battante”. Or, quand on vit un deuil, les repères sont bousculés et l’énergie peut être difficile à trouver.
Soyez donc indulgentes avec vous-mêmes : acceptez le fait qu’il y a des jours où c’est difficile car tout le monde a le droit de ne pas toujours aller bien.
Être en activité et avoir un travail prenant peut aider à tenir debout, à se concentrer sur “autre chose”, comme pour compenser. Pour autant, veillez à rester à l’écoute de votre corps et de vos émotions.
Ne cachez pas ce que vous traversez dans votre environnement professionnel. Sans forcément étaler votre vie privée, parler de ce que vous traversez aidera vos collaborateurs/ collègues/ fournisseurs/ clients à adopter le bon comportement vis-à-vis de vous. Dites-leur ce qu’ils peuvent faire pour vous aider plutôt que de les laisser tenter maladroitement de se mettre à votre place.
Enfin, vivez le deuil à votre rythme et petit à petit, vous ne vous considérez plus comme n’étant qu’une veuve, qu’une mamange ou qu’une endeuillée. Vous serez transformée par cette épreuve mais vous serez à nouveau tout simplement VOUS.
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