ENTREPRENDRE, Parcours

Quand est-ce que tu reprends un vrai boulot ?

Il y a 6 ans, j’étais licenciée de l’entreprise qui m’avait embauchée 5 ans plus tôt, fraîchement diplômée d’école de commerce et toute jeune mariée. Ce ne fût pas une période plaisante, mon mari venait aussi d’être licencié, et comme ma soeur me l’a récemment rappelé, ce n’est pas une expérience que j’ai particulièrement bien vécue… Je n’étais pas bien fière de ce qui m’arrivait, je ne comprenais pas bien non plus comment j’étais arrivée là, moi le bac+5. Parce qu’en école, on vous apprend un tas de choses, on vous apprend à faire un CV et la lettre de motivation qui va avec, on vous apprend le droit du travail, on vous apprend le marketing, on vous apprend à négocier votre salaire mais on ne vous apprend pas à vous remettre d’un licenciement.

J’étais de mes amies le vilain petit canard, du moins c’est comme ça que je me sentais. Celle qui ne rentrait plus dans le rang, moi pourtant toujours première de la classe. Si j’ai vite décroché un poste de vacataire dans un centre de formation, parce que je ne suis pas du genre à rester à ne rien faire, il s’agissait de petits volumes d’heures, ce qui me laissait malgré moi du temps pour chercher autre chose. J’ai passé des journées, des soirées et bien des nuits à zoner sur le web, mes idées s’accumulaient, mon projet germait sans trop le savoir moi-même. Je mettais ce temps mort à profit. Et puis un jour, une bonne amie que j’avais au bout du fil m’a demandé “Mais quand vas-tu reprendre un vrai boulot ?”. Je me rappelle encore où je me trouvais quand elle m’a posé cette question. Je regardais par la petite porte-fenêtre de la cuisine, dans cette maison en location que nous avions trouvée dans la hâte faute de mieux et que mon mari détestait. Je tenais la poignée et puis je lui ai répondu que je voulais donner des formations pour les filles qui avaient des projets, les aider dans le développement de leur activité créative. Sa question je ne l’ai pas oubliée parce qu’elle m’avait autant de mal que de bien finalement. Je n’allais pas reprendre un vrai boulot, parce que si du vrai boulot il fallait y laisser sa peau, je préférais encore le faire pour de faux. Parce que j’avais désormais le choix et parce que rien ne m’obligeait à y renoncer.

Ce matin, j’ai pris de ses nouvelles, parce que je sais qu’elle vit un moment similaire dans son entreprise, une rupture violente dont on aimerait se passer. Et puis elle m’a posée cette question, celle qui a fait écho, celle à laquelle j’ai répondu en toute simplicité, sans amertume aucune même si la toue première raisonnait encore en moi : “Mais comment en es-tu arrivée à la formation ?” . Je ne pense pas qu’elle se rappelle cette conversation d’il y a 5 ans un matin de janvier, je ne crois pas qu’elle ait mesuré son impact sur moi mais je mesure aujourd’hui pourtant le chemin parcouru et celui qui s’ouvre à elle. Si cette conversation pourrait être vécue comme une revanche, je me dis que mon histoire peut servir d’exemple, que si j’ai pu me reconstruire un travail, même s’il ne ressemble à aucun autre, alors d’autres peuvent le faire aussi. Le chômage et le licenciement ne sont pas des fatalités, ils feront partis de nos parcours à tous, pour le pire mais aussi pour le meilleur. Un wake-up call qu’on n’a pas choisi mais qui nous permet de choisir la nouvelle vie professionnelle et personnelle que l’on souhaite vraiment, parce que comme me le disait un ancien collègue encore récemment, personne ne nous remboursera le temps perdu sur les routes loin de nos familles.

10 Commentaires

  1. Djahann

    12 octobre 2016 at 8 h 51 min

    Je trouve que cette question est assez méprisante ! Tout boulot est un “vrai” boulot !
    Souvent, on arrive à tirer quelques chose de positif d’une mauvaise expérience, et on arrive à aller vers de beaux projets ou du moins quelque chose de meilleur.

  2. Nathalie

    12 octobre 2016 at 9 h 44 min

    Bonjour,
    J’ai hésité à laisser un commentaire mais allez je me lance tant pis si on me trouve ridicule!
    Votre article fait écho en moi, non pas parce que je vis la même situation mais par le thème : c’est quoi un VRAI boulot pour la plupart des gens? Vous êtes passée par une période difficile, vous avez réfléchi et mûri votre choix et au final vous faites ce qui vous plait et vous êtes heureuse. C’est l’essentiel.
    Récemment j’ai évoqué l’idée de lever le pied quelque temps dans mon boulot ou de faire tout autre choix. Les réactions ont fusé “mais tu vas faire quoi? ” “tu te rends compte de la chance d’avoir ce poste et si tu regrettes?” etc….
    La chance hum j’ai approché le burn-out en début d’année, j’accepte tout, les horaires décalés, les week-end entiers à travailler, les vacances raccourcies ou annulées, la vie à l’opposé de ma famille, une ambiance désagréable où certains craquent et d’autres sont mis dehors etc…Je ne vois plus personne, on me le reproche assez. C’est ça un vrai travail??? Je pense que le travail est celui où on se sent bien, où on n’a pas la boule au ventre en partant bosser, où on trouve un équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Donc les gens font des choix (forcés par la conjoncture ou non) mais ne le font pas sur un coup de tête et ne sont pas pour autant des fainéants parce qu’ils ont trouvé un job à leur image. Mais peut-être que les personnes qui font ce genre de remarque sont simplement jaloux qu’on ose et pas eux….Je ne sais pas quel est mon avenir professionnel mais un choix va s’imposer car on ne peut pas tenir longtemps en se forçant.
    Continuez et bravo pour l’article même si vous n’avez pas besoin de vous justifier!
    Bonne journée

    1. Sophie-Charlotte Chapman

      13 octobre 2016 at 13 h 05 min

      vous avez bien fait de laisser un commentaire 🙂

    2. CAROLE LALLICAN

      13 octobre 2016 at 17 h 45 min

      Et bien Nathalie, pour vivre la même chose, ou plutôt pour avoir vécu la même chose je peux vous dire que je vous comprends.
      Du coup j’ai décidé de tout plaquer, et de me reconstruire, on me prend pour une cinglée, à 47 ans bientôt divorcée et avec deux enfants je vais aussi avoir un “faux travail” mais enfin mener ma “vraie vie”, celle ou la qualité prime.
      Carole

    3. Cocoeko

      2 novembre 2016 at 7 h 11 min

      Très beau commentaire ! Je partage votre sentiment 😉 je me suis enregistré le post Facebook de cet article de blog pour le lire quand j’en aurai vraiment le temps (et non à la va vite). Je ne regrette pas. Et je ne regrette pas non plus mon choix d’avoir lâché mon “vrai” travail bien “confortable” pour un travail qui me ressemble !

  3. Angelique

    13 octobre 2016 at 17 h 27 min

    Merci pour ce témoignage qui donne plein d’espoir à nombre de personnes, moi en premier qui n’ai pas vécu de licenciement mais un suivi de conjoint à l’étranger. J’espère pouvoir témoigner de la même manière que vous dans 5 ans ! Merci encore pour votre inspiration et optimisme permanent.

  4. la pointe du vent

    13 octobre 2016 at 17 h 32 min

    Je l’entend parfois, mais de moins en moins, sans doute que la pérennité de mon entreprise laisse entendre aux gens que c’est un vrai boulot…
    Mais… Car il y a un mais… l’autre jour, je me suis surprise à sortir moi même cette petite phrase, et à moi même en plus !!! Un moment de découragement, de fatigue, saupoudré d’un zeste de syndrome de l’imposteur, et voici que moi aussi, je me suis demandée quand j’allais reprendre un vrai boulot… Je te rassure, ça n’a pas duré et j’ai pleinement conscience que j’exerce un vrai boulot (gérer ma marque plus une boutique de créateurs, c’est un vrai job non ?) mais peut être qu’à force d’avoir entendu ce genre de remarque, ça a laissé une petite trace ?
    Belle journée à toi et merci pour cette petite piqûre de rappel 🙂

  5. Sofia

    16 octobre 2016 at 21 h 00 min

    Bonjour Sophie Charlotte,

    Qu’est-ce que cette phrase peut blesser… Je pense sincèrement que les personnes ne se rendent pas compte à quel point. J’ai l’impression qu’un vrai boulot est forcément être salariée…
    On ne peut pas construire son entreprise sans avoir à entendre ce types de phrases. Je parle en connaissance de cause, je suis en construction de mon entreprise en tant qu’assistante de manager et pour le peu de personnes à qui j’ai parlé de mon projet, ils sont assez dubitatifs quand à la réalisation de celui-ci. Ce n’est pas grave, parfois cela donne encore plus envie d’aller jusqu’au bout ^^

  6. anais

    25 octobre 2016 at 20 h 44 min

    Bonjour,
    Je suis tellement heureuse de lire ton article et de voir que tu as réussi à faire un “faux boulot” qui te fasse vivre!
    J’emploie volontairement le terme de “faux boulot” car me concernant, quand je m’adonne à ma passion, même si j’y passe des heures, même si je trépigne devant des choix que je n’arrive pas à faire, même si je suis parfois complètement démotivée, même si je pleure en disant que finalement je vais tout laisser tomber, je me lève le lendemain et je vais à mon “vrai travail”… Et il me tarde qu’une chose: rentrer le soir pour continuer à essayer de faire de mon “faux boulot” mon activité professionnelle…
    J’espère y arriver un jour…
    Toutes vos formations sont tellement tentantes, je ne sais pas où donner de la tête!
    Et comme mon activité n’a pas commencé, je fais attention à mes dépenses…
    Pour le moment je dépense mais ne gagne rien…
    Il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps! 😉
    Bonne soirée et à bientôt!

    Anaïs (anacappiness)

  7. Vivre la transition sereinement | Ma Petite Valisette - Le Blog

    5 février 2017 at 8 h 54 min

    […] récupéré mon poste. Les trois années qui ont suivi n’ont pas été faciles, mon licenciement à mon tour n’a pas rendu la situation plus légère. Nous étions tous les deux sortis du […]

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