Vivre son hypersensibilité
Petite j’étais dure, dure comme une pierre, insolente comme un caillou qu’on jette dans la marre qui éclabousse et qui préférera rester au fond. Je tapais des pieds avec mes bottes à talons en montant lourdement une à une les marches de notre escalier en bois quand je n’étais pas satisfaite. Je n’étais pas connue pour ma docilité, ni mon amabilité, on m’a souvent reproché mon franc-parler, mon honnêteté déplacée, mes coups de sang, mes colères inexpliquées. Je me suis assumée en me barricadant de l’intérieur, je n’étais pas fleur bleue et je n’avais pas peur de sortir quand il faisait nuit avant l’aube pour faire ce qu’il y avait à faire dans la cour. J’ai encaissé et je me suis endurcie. L’image de la carapace est toujours parlante, mais retirez à la tortue sa maison et un être bien mou et nu se retrouvera sous vos yeux. A me croire forte, parce qu’on me pensait dure, j’ai compris bien tard que ma faiblesse était celles des hypersensibles : un thermomètre des émotions toujours en ébullition et des réactions presque épidermiques qui rendent la vie sociale toujours un peu plus compliquée. Rajoutez à cela un licenciement, celui de mon mari et trois maternités, vous obtiendrez un résultat bien fragile qui se demande encore comment il a bien pu arriver là, par quel hasard il est encore là.
Il y a cependant beaucoup de chances pour que tout fasse bientôt sens. Et si je ne m’étais pas trompée et si tout s’était passé comme il le fallait ? Si mon salariat raté, parce que trop sensible et incapable de me justifier devant des clients ou face à des collègues sans avoir peur et sans pleurer, n’était que l’heureuse cause de ce qui a suivi et qu’il fallait que les choses se passent ainsi ? On ne choisit pas d’être entrepreneuse, je crois qu’on l’est par nature ou qu’on se découvre ainsi par la force des choses. Ces choses qui nous ont montré que nous n’étions pas faites pour elles : les horaires de bureau, les réunions à rallonge, le règlement interne, la hiérarchie… tout ce qui aujourd’hui me semble loin. Mais voilà, si le changement de statut fut salutaire reste encore à gérer cette hypersensibilité qui rend aussi l’entreprenariat quelque peu douloureux.
Le bon côté de l’hypersensitivité
Je vais commencer par ce qu’il y a de bien quand même dans tout cela. Etre hypersensible, c’est un peu tout ressentir puissance dix. Donc pour la créativité autant vous dire que c’est le top : être super attentive aux détails, à ce qui nous entourent, aux couleurs, aux odeurs, aux saisons, tout cela nous offre un puis d’inspiration énorme qui alimente quotidiennement notre travail. On est super forte pour voir des connexions là où d’autres ne feront pas de ponts. Les idées fusent, souvent trop certes me direz-vous… On est aussi doté d’une belle intuition qui nous emmènerait au bout du monde. On voit les choses comme on les ressent : en grand. Nos sens sont toujours en alertes. La beauté est partout et c’est tant mieux.
Pourquoi les hypersensibles ont “du mal”
Mais voilà cette interconnexion aux choses qui nous entourent est si puissante que si nous ressentons la beauté, nous souffrons aussi inversement de ce qui est laid, méchant et cruel. Avoir les sens en éveil, c’est être à fleur de peau tout le temps. C’est marcher sur une plage tout sa vie durant mais le long d’un fil électrique et quand le vent nous ramène du côté du rivage, les chocs font toujours aussi mal. Alors on pourrait décider de passer de l’autre côté de la barrière, mais on s’éloignerait de la mer, de ce qu’on aime et de qui nous sommes. De ces vagues d’émotions incessantes qui nous emplissent le coeur de joie puis de colère puis de joie puis de tristesse au rythme incessant de leur va-et-vient, nous ne savons faire autrement. Alors on essaie de filer droit, mais la vie n’a rien de droit encore moins quand on entreprend. Il y a cette prise de risques qui peut faire peur parce que notre perception est plus intense, il y a toutes ces décisions à prendre qui nous embrouillent l’esprit parce que clairement il y a trop de paramètres et qu’on ne pourra jamais tout maitriser. Il y a ce trop plein de tout qui nous empêche de prendre du recul, de nous dire que ce refus n’était pas personnel, que non la Terre entière n’est pas contre nous.
Vivre comme cela c’est épuisant parce que c’est grimper et retomber à chaque fois, quelque fois même plusieurs fois par jour. C’est les montagnes russes non-stop. Cette énergie sensorielle et émotionnelle peut nous servir comme nous desservir et il est important de réussir à la canaliser, à l’économiser, à l’apprivoiser.
Ce qui peut aider les hypersensibles qui entreprennent.
Je crois qu’il faut commencer par en prendre conscience soi-même, cela semble évident mais tous les hypersensibles ne sont pas au courant que cette caractéristique s’appliquent à leur personne. Il y a des personnes qui le savent dès leur enfance et d’autres comme moi qui l’apprennent un peu à leur dépend à l’âge de trente-cinq ans. Savoir qu’on est hypersensible est la première étape pour mieux se connaître et comprendre ses comportements qui peuvent à la personne non avertie, paraître étranges…
A partir de ce moment là, il est plus facile d’identifier et d’analyser nos émotions dans diverses situations. Quand elles se représentent à nous une nouvelle fois alors nous sommes en mesure d’appréhender plus sereinement la suite. Certes l’exercice n’est pas aussi évident qu’il en a l’air en le lisant mais vous prendrez l’habitude à force de répétition et peut-être d’ailleurs plus facilement dans des situations professionnelles que personnelles, même si je vous l’accorde les deux sont très étroitement liées quant on entreprend pour soi.
Lire et me documenter sur le sujet m’a pas mal aidée notamment à me sentir moins stupide et moins seule. S’entourer de personnes ressources, positives et vous comprenant est aussi un plus pour se sentir écouter et comprise. Certaines personnes ne sont pas en mesure de comprendre ce que vous faites et essayer de leur expliquer peut vite s’avérer être une perte d’énergie, voire une vraie frustration qui ne vous fera vous sentir que plus petite. Des gens qui ne vous feront pas grandir…
Il m’a été souvent recommander de tenter la méditation, pour lâcher prise, j’ai préféré pour l’instant le yoga et je me surprends à apprécier retourner à l’église. Se reconnecter à la spiritualité, quelque soit la forme qu’elle prendra, est une aide à ne pas négliger. Le contact des animaux apporte aussi un certain réconfort…
J’ai compris qu’on ne pouvait pas changer les autres, qu’on n’avait pas besoin de changer mais qu’on pouvait apprendre à modifier sa façon de voir les choses, pour réussir à mieux composer avec notre environnement. L’un dans l’autre, il est important de trouver ce qui nous permet de gérer notre hypersensibilité. Savoir qui on est, apprendre à se connaître, même et surtout à l’âge adulte, est une clé fondamentale de l’épanouissement personnel et professionnel, d’autant plus quand on entreprend;
Marie
26 novembre 2018 at 11 h 59 minMerci pour cet article plein d’espoir et de bienveillance !
Chloé Lemonne
26 novembre 2018 at 17 h 43 minAah quel bel article ! Je m’y reconnais aussi, et découvre ce coté hypersensible chez moi . j’ai quitté mon mi-temps pour devenir entrepreneure et même si je n’ai pas lancé de vente de produit pour le moment, c’est déjà un tel soulagement que d’être maître de mon emploi du temps … En effet j’ai appris à suivre mon intuition et depuis ca va mieux. Maintenant il faut que le lache un peu la pression sur mon côté perfectionniste 🙂
Ce qui m’aide pour cela :
– Me mettre en ACTION et non pas en mode procrastination —> juste faire le tout premier petit pas d’une tâche qui me semble infaisable pour mettre la machine en route
– respirer entre 2 taches (sinon je ne m’arrête pas !)
– méditer le matin et yoga le soir (sinon c’est comme si la journée m’emporte telle une vague forte – cela canalise mon énergie et me permet de rester calme et plus créative)
Merci encore pour ton article, super chouette blog !
Chloé, sage-femme
http://www.naissancepositive.com
Coralie
11 décembre 2018 at 23 h 07 minMerci beaucoup pour ce bel article. Il est si bien écrit. C’est toujours un réconfort de se sentir moins seule, un réconfort aussi d’avoir ces bons conseils rappelés.